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Par Union.fr
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Les femmes et la sexualitĂ©, une rĂ©volution en mouvement ? – ITW de Tatiana de Desculottees !

Par | 22 janvier 2021

Depuis 2014, Tatiana a lancĂ© desculottees.com, un site qui normalise l’idĂ©e qu’une femme puisse parler de sexualitĂ© ouvertement sans tabou et sans que cela ne choque ou soit dĂ©gradant. Son fĂ©minisme est venu sur le tard, ce mot semblait un peu « poussiĂ©reux », mais avec le mouvement #balancetonporc et #metoo, Tatiana rĂ©alise que le fĂ©minin est politique et que le discours sur la sexualitĂ© avait un enjeu social, politique et Ă©conomique.

On parle avec elle du lien, parfois étroit, entre féminisme et sexualité !

Sexe en France : On parle beaucoup de « génitalisation du féminisme » (redécouverte du clitoris, recherche du plaisir féminin, etc.) Quelles sont pour toi les grands exemples de ce mouvement ?

Tatiana : Tout d’abord, je t’avouerais que j’espère qu’on passera de Â«Â gĂ©nitalisation du fĂ©minisme », Ă  l’expression « rĂ©appropriation corporelle du fĂ©minisme ». La gĂ©nitalisation implique un regard qui porte le focus sur les zones gĂ©nitales, ce qui est un chemin positif et essentiel, mais qui reste insuffisant pour une rĂ©elle (rĂ©)appropriation positive du corps de la femme. DĂ©jĂ , cela exclut par exemple les seins, partie du corps par excellence de la reprĂ©sentation du fĂ©minin et qui enferme beaucoup de symboles, de croyances et de rĂ©ification des femmes. 

NĂ©anmoins, si je devais citer des grands exemples de ce mouvement de gĂ©nitalisation, je pense d’abord Ă  la lumière portĂ©e sur notre organe dĂ©diĂ© au plaisir, le clitoris. Merci au travail d’Odile Fillod qui en imprimant un clitoris en 3D a permis Ă  tous-tes de rĂ©aliser la vraie apparence du clitoris. Ensuite, grâce Ă  cela, aux Ă©ditions Magnard, qui sont les premiers Ă  avoir reprĂ©sentĂ© le clitoris en 2017 (si tard !) dans un livre de SVT. On attend encore une gĂ©nĂ©ralisation dans tous les livres de SVT, ce qui serait la moindre des choses ! Dans la mĂŞme veine, je pense Ă  la multiplication d’initiatives pour rĂ©habiliter le clitoris via diffĂ©rents comptes sexo Instagram et surtout des comptes d’illustratrices, comme un compte qui a disparu depuis qui s’appelait Club Clitoris et le reprĂ©sentait sous diffĂ©rentes formes. Le clitoris est devenu LE symbole de cette gĂ©nitalisation du fĂ©minisme, accompagnĂ© d’un discours gĂ©nĂ©ral qui promeut par extension la masturbation fĂ©minine et l’utilisation de sextoys.


Sexe en France : Quelles sont les questions et les savoirs les plus demandĂ©s par ta communautĂ© fĂ©minine 


Tatiana : Notre communautĂ© de femmes s’interroge en premier sur la masturbation. Comment se masturber efficacement ? Ma façon de me masturber est-elle normale ? Comment ne pas culpabiliser après m’ĂŞtre masturbĂ©e ?

L’article que j’avais Ă©crit pour expliquer que le humping est une manière tout Ă  fait normale de se donner du plaisir et rĂ©pandue avait suscitĂ© beaucoup de rĂ©actions positives de femmes qui se sentaient soulagĂ©es. Elles pensaient avoir une pratique anormale, car trop peu reprĂ©sentĂ©e dans l’imaginaire collectif Ă©rotique.

Ensuite, il y a aussi la question de l’orgasme et les meilleurs sextoys qui permettent de l’obtenir. Enfin, je dirais que pas mal de femmes qui me contactent en MP sur Instagram sont prĂ©occupĂ©es par les relations hommes/femmes et la difficultĂ© Ă  concilier un engagement fĂ©ministe et la rĂ©alitĂ© du marchĂ© amoureux hĂ©tĂ©rosexuel, encore majoritairement construit sur des schĂ©mas patriarcaux.

Equipe Desculottees


Sexe en France : Ou se situe pour toi les plus grands trous de la méconnaissance sur la sexualité féminine ?

Tatiana : Je pense que le trou manquant sur la sexualitĂ© fĂ©minine – et la sexualitĂ© en gĂ©nĂ©ral – est tout ce qui se rapporte au non digital, au non gĂ©nital pur, Ă  savoir la sensibilitĂ©, l’influence de la qualitĂ© relationnelle avec l’autre dans notre sexualitĂ©, le rĂ´le jouĂ© par notre capacitĂ© Ă  ĂŞtre curieuses de nos dĂ©sirs et notre confiance en nous, nos potentiels et la valeur de nos Ă©motions. 

Il est important de poser sur la table notre gĂ©nitalitĂ©, car on a trop longtemps fait croire que notre corps de femme Ă©tait un mystère, un « continent noir » et que notre sexualitĂ© n’avait rien d’animal, qu’on Ă©tait comme incapables de l’apprĂ©cier dans sa nature brute. Rappeler qu’on a un clitoris dĂ©diĂ© juste au plaisir, qui est prĂ©sent aussi Ă  l’intĂ©rieur de nous est une rĂ©volution pour s’approprier sa sexualitĂ©. Mais, je pense que pour ne pas rĂ©duire la sexualitĂ© fĂ©minine Ă  une imagerie fĂ©ministo-pornographique, il va devenir essentiel de comprendre que c’est un apprentissage permanent toute la vie pour tous-tes, et surtout rĂ©habiliter les Ă©motions de la sexualitĂ©.

Nous ne sommes pas juste des corps Ă  clitoris et des machines Ă  atteindre le plus possible l’orgasme, mais des ĂŞtres, avec nos sensibilitĂ©s, nos dĂ©sirs, nos fantasmes, nos interactions avec l’autre, nos ressentis qui sont importants pour une sexualitĂ© positive. Insister sur la notion de consentement est un premier pas sur cette voie, mais il ne faut pas nĂ©gliger les Ă©nergies, la force spirituelle et les Ă©motions de la sexualitĂ©. Les femmes doivent selon moi oser se connecter intimement Ă  leur dĂ©sir sexuel et pas juste le penser en termes d’efficacitĂ©, de puissance, d’orgasmes, sinon nous allons potentiellement crĂ©er un fĂ©minisme ultra capitaliste machiste, aussi paradoxal que cela puisse sonner.

(Image Ă  la une : Getty Images)

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