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Par Union.fr
gourmandise péché capital

D’oĂč vient le pĂ©chĂ© de gourmandise ?

Par | 16 janvier 2023

« Je suis moins pĂ©cheur que victime du pĂ©chĂ©. Â» affirmait William Shakespeare, qui se dĂ©douanait ainsi de sa responsabilitĂ© d’homme face Ă  ses pĂ©chĂ©s
 et Ă  juste titre !

Le pĂ©chĂ©, dans le monde catholique, est inhĂ©rent Ă  la condition humaine : « Le pĂ©chĂ© est une faute contre la raison, la vĂ©ritĂ©, la conscience droite ; il est un manquement Ă  l’amour vĂ©ritable, envers Dieu et envers le prochain, Ă  cause d’un attachement pervers Ă  certains biens. » (CatĂ©chisme de l’Eglise Catholique). En d’autres termes, le pĂ©chĂ©, c’est succomber Ă  une tentation interdite et prohibĂ©e par Dieu, et s’éloigner ainsi de sa dĂ©votion. Une tentation qui serait liĂ©e Ă  sa condition charnelle de laquelle nul ne peut s’échapper : « L’homme ne peut, tant qu’il est dans la chair, Ă©viter tout pĂ©chĂ©, du moins les pĂ©chĂ©s lĂ©gers. » (CatĂ©chisme de l’Eglise Catholique).

Si le pĂ©chĂ© jalonne donc le parcours religieux et moral de chacun, il existe un remĂšde, un antidote, ou tout du moins, un compagnon pour allĂ©ger cette pĂ©nible charge sur nos consciences : la confession ! Pour Christophe Dickes, historien du catholicisme, cette responsabilitĂ© individuelle n’apparait cependant qu’assez tard dans l’histoire de la religion occidentale, vers le XIIĂšme – XIIIĂšme siĂšcle : « A cette Ă©poque s’opĂšre une sorte de rĂ©volution des consciences. C’est Ă  ce moment-lĂ  qu’apparait rĂ©ellement le rituel du confessionnal, ainsi que celui de la pĂ©nitence. » Avant donc, l’on Ă©tait plus victime du pĂ©chĂ© que pĂ©cheur. Shakespeare aurait donc dĂ» naĂźtre quelques siĂšcles auparavant.

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Le pĂ©chĂ© de gourmandise serait-il d’ailleurs le pĂ©chĂ© originel pour lequel nous faisons encore et toujours pĂ©nitence ? Pas tout Ă  fait ! L’histoire de la pomme croquĂ©e est avant tout perçu comme un pĂ©chĂ© d’orgueil et de dĂ©sobĂ©issance face Ă  l’autoritĂ© de Dieu. Il n’empĂȘche qu’avec la mĂ©taphore d’Adam et Ève, le pĂ©chĂ© de gourmandise a plus souvent Ă©tĂ© prĂȘtĂ© aux femmes qu’aux hommes, et est souvent associĂ© Ă  la luxure et Ă  la sexualitĂ©.

Un pĂ©chĂ© de femme, la gourmandise ? Paradoxalement, ce serait pour les moines – les hommes, donc – que le pĂ©chĂ© de gourmandise aurait Ă©tĂ© massivement dĂ©veloppé par la religion chrĂ©tienne occidentale !

Les monastÚres, temple de la gourmandise française

Le pĂ©chĂ© de gourmandise apparaĂźt au tout dĂ©but du christianisme, au IIIe siĂšcle, dans des communautĂ©s monastiques orientales. Pour Florent Quellier, historien et spĂ©cialiste de l’alimentation : «  L’objectif de l’Église Ă©tait de contraindre le ventre, le bas-ventre, et l’estomac pour lutter contre tout ce qui peut empĂȘcher l’Ă©lĂ©vation de l’Ăąme vers Dieu, et notamment la gourmandise, qui va ĂȘtre utilisĂ©e par le diable pour tenter les moines. »

Le pĂ©chĂ© de gourmandise n’apparait qu’avec la parution d’un Ă©crit phare « Les morales sur Job », qui codifie les sept pĂ©chĂ©s capitaux pour l’Occident chrĂ©tien par le pape GrĂ©goire le Grand. Il y spĂ©cifie l’étendue de la gourmandise : « le vice de la gourmandise nous tente de cinq maniĂšres : tantĂŽt elle devance l’heure d’un rĂ©el besoin ; tantĂŽt, sans devancer cette heure, elle recherche des mets plus dĂ©licats ; tantĂŽt elle apporte trop de soin Ă  prĂ©parer le moindre aliment ; tantĂŽt, tout en gardant la mesure pour la qualitĂ© et l’heure des repas, elle commet des excĂšs dans la quantité ». Le propos est simple : manger doit simplement servir strictement aux besoins physiologiques.

Et pourtant, entre le XVIe et le XVIIIe siĂšcle, avec la modernisation des techniques agricoles, les monastĂšres accaparent un savoir-faire de plus en plus pointu dans la production de fruits, de lĂ©gumes, de friandises, de biĂšre, de vin et de liqueur. Les communautĂ©s monastiques ont mĂȘme participĂ© Ă  la popularisation du chocolat, dĂ©couvert par les Espagnols lors de la conquĂȘte de l’AmĂ©rique centrale au XVIĂšme et XVIIĂšme siĂšcle.

Une image gourmande, de bon vivant, qui leur colle encore Ă  la peau au XXIĂšme siĂšcle.

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Mais il n’y a pas que les moines qui ont un desserrĂ© la ceinture !

Jésus et la gourmandise, pas si ennemis que ça ?

Il a changĂ© l’eau en vin, et ce fut son premier miracle, durant les noces de Cana. Si ce n’est pas l’Ɠuvre d’un gourmand, qu’est-ce donc ?

Daniel Bourgeois, grand historien, retrace mĂȘme sa facette gourmande dans « JĂ©sus de Nazareth Â» et il l’affirme « Oui, la nourriture est centrale dans son histoire. Dans son assiette, poissons, figues, olives, fromage et mouton dĂ©filent, cassant ainsi l’image d’un prĂ©dicateur austĂšre. On le dĂ©couvre Ă  table avec les Douze, prenant ses repas avec des pharisiens, des collecteurs d’impĂŽts, voire des pĂ©cheurs publics et mĂȘme pire
 avec des femmes. JĂ©sus mange ce qu’il veut, entourĂ© de qui il veut. Sa cuisine est celle de la libertĂ©. Â»

La chandeleur, cette fĂȘte oĂč l’on mange des crĂȘpes est aussi un hĂ©ritage du parcours de JĂ©sus. Au Ve siĂšcle, la cĂ©rĂ©monie de retour du printemps issue de la Rome Antique prend une coloration chrĂ©tienne : elle sera la fĂȘte de JĂ©sus au Temple et celle de la purification de la Vierge.

Sous l’instigation du pape GĂ©lase Ier, les chandelles remplacent les flambeaux et les torches. Un moyen de rendre hommage Ă  la lumiĂšre du Christ. Le nom chandeleur s’impose donc, tout comme les crĂȘpes, composĂ©e Ă  partir de la farine excĂ©dentaire des rĂ©coltes qui Ă©taient un gage de prospĂ©ritĂ© pour l’annĂ©e Ă  venir et les moissons
 avant la dure pĂ©riode de carĂšme.

Les sept péchés capitaux

Ils sont sept – la gourmandise, l’avarice, la colĂšre, l’envie, la luxure, la paresse, l’envie, l’orgueil – et ils sont qualifiĂ©s de pĂ©chĂ©s capitaux. Non pas parce qu’ils sont graves, mais parce qu’ils renvoient aux pĂ©chĂ©s de tĂȘte (« capita » en latin) et qu’ils seraient de nature d’en entraĂźner d’autres. De ces pĂ©chĂ©s dĂ©coulent par exemple le mensonge, la ruse, le vol, le meurtre.

Les pĂ©chĂ©s capitaux ne sont pas pour autant Ă  confondre avec les pĂ©chĂ©s mortels et les vĂ©niels, qui portent surtout sur l’importance du pĂ©chĂ© Ă  se couper de Dieu.

Les pĂ©chĂ©s capitaux peuvent ĂȘtre mis en balance des sept vertus – la foi, l’espĂ©rance, la charitĂ©, la justice, la prudence, la tempĂ©rance, la force d’ñme.

De nombreux auteurs latins se sont servis des allĂ©gories pour reprĂ©senter ces pĂ©chĂ©s, ainsi que les peintres : «Si les envieux ont un clou enfoncĂ© dans l’Ɠil, c’est parce que l’invidia, l’envie en latin, signifie littĂ©ralement le fait de jeter son regard: les envieux sont punis par oĂč ils ont pĂ©chĂ©.» peut-on lire dans le Temps, « Que sont devenus les pĂ©chĂ©s capitaux ? Â»

Pour la gourmandise ? Les corps gras, le gaspillage, les dents jaunes, la paresse sont des codes qui lui sont habituellement associĂ©s
 on retrouve par exemple ces Ă©lĂ©ments dans l’Ɠuvre «Les Mangeurs de Ricotta » de Vincenzo Campi (1580), dont le titre original Ă©tait « Buffonaria ». Une ricotta creusĂ©e en forme de crĂąne, trĂŽnant au milieu d’un groupe d’hommes et de femmes gras, raille les plaisirs de la table.

Les Mangeurs de ricotta — WikipĂ©dia

La gourmandise, toujours un pĂ©chĂ© ?

La gourmandise est-elle toujours perçue comme un péché au XXIÚme siÚcle ? Oui et non. Le sucre reste toujours critiqué publiquement car il peut entraßner des problÚmes de santé.

L’art de la table, les bonnes maniĂšres peuvent ĂȘtre perçus aujourd’hui comme un moyen d’appliquer la tempĂ©rance si chĂšre Ă  la religion. Pour François Quellier : « L’objectif n’est pas de condamner le plaisir alimentaire, considĂ©rĂ© comme sain, puisque voulu par Dieu pour pousser l’homme Ă  s’alimenter (
) Mais il faut essayer de contrĂŽler ce plaisir gourmand. Cela passe par l’Ă©ducation : la discipline des horaires, c’est Ă  dire qu’on mange Ă  un instant prĂ©cis et dĂ©fini. On ne mange pas parce qu’on a faim, mais parce que c’est l’heure de manger. C’est une façon de montrer qu’on n’est pas victime de son ventre. »

Le pĂ©chĂ© de gourmandise reste donc toujours d’actualité ; la santĂ© publique, les bonnes maniĂšres, l’écologie s’étant substituĂ© Ă  la religion. « De toutes les passions, la seule vraiment respectable me parait ĂȘtre la gourmandise. » ironisait Guy de Maupassant.

Au XXIÚme siÚcle, on attend toujours de pouvoir savourer un dessert sucré sans culpabilité dans la cuisine française.

Vous pouvez retrouver cet article dans le numéro de Blandice : la Gourmandise.

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