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Par Union.fr

Le mythe du trou, ou la passivité sexuelle féminine

Par | 22 janvier 2021

Non, nous ne sommes pas des trous. C’est ce que dĂ©fend MaĂŻa Mazaurette dans son livre paru en 2020 « Sortir du trou, Lever la tĂŞte Â» aux Ă©ditions Anne Carrière.

Le trou, ou la négation du sexe féminin

La chroniqueuse spĂ©cialiste de la sexualitĂ© s’attaque Ă  un mythe bien ancrĂ© dans notre sociĂ©tĂ©, et ceux depuis l’antiquitĂ© : le vagin serait un trou qu’il s’agirait de combler avec le pĂ©nis de l’homme. Remplir ce « trou Â» : l’enjeu principal d’une relation sexuelle, il n’y aurait rien d’autre Ă  faire que de le trouver et d’y entrer. Mais si l’on demande aux hommes de le chercher ce trou, en est-ce vraiment un ?

Si l’anatomie fĂ©minine fait l’objet d’une plĂ©thore de mĂ©taphores, le trou reste la prĂ©fĂ©rĂ©e. Qui n’a jamais entendu la fameuse, la sublime, la très distinguĂ©e expression : « un trou c’est un trou Â» ?

L’allégorie du trou nous la devons, entre autres, au mythe de l’androgyne de Platon dans lequel Zeus attribue aux hommes et aux femmes des organes génitaux complémentaires (merci pour les non-hétérosexuel.e.s) qui s’emboitent : aux hommes l’excroissance du pénis, aux femmes l’absence du trou. Et pour ne rien arranger, les représentations de la vulve dans les manuels de biologie dans lequel l’entrée du vagin prend effectivement la forme d’un orifice béant, nous conforte dans la croyance en la mythologie antique.

« Si les hommes ont un pĂ©nis, les femmes ont un trou. L’idĂ©e est non seulement pratique mais intellectuellement pas compliquĂ©e et esthĂ©tiquement plaisante. Â»

– Maïa Mazaurette, Sortir du trou, Lever la tête, Editions Anne Carrière, 2020. p. 29.

À la vulve, on préfère le trou, car la vulve fait écho à la complexité de l’anatomie féminine : lèvres, glandes, peau, muqueuses, sécrétions. Tout ceci va contre l’idée du trou qui renvoie au vide, à l’absence.

Or non les femmes n’ont pas « rien Â», elles ont un sexe, une vulve qui mouille, se contracte, Ă©jacule mĂŞme parfois. Elles ont un clitoris qui entre en Ă©rection, des glandes sĂ©crĂ©tant cyprine et liquide Ă©jaculatoire, un utĂ©rus, un vagin qui s’étend et par lequel, parfois, passe un bĂ©bĂ©. Et d’ailleurs, c’est souvent douloureux, pourtant si les femmes ont un trou, ça ne devrait pas l’être, si ? Ça n’a pas mal un trou. Et, Ă  l’inverse, comment un trou peut-il permettre jouissances et orgasmes ? Aux dernières nouvelles, un trou, ça ne fait pas grand chose.

Non, les femmes n’ont pas de trou : petit cours d’anatomie

Le sexe féminin, souvent réduit au vagin, est infiniment plus riche et complexe qu’une simple cavité, réceptacle du pénis masculin. Alors on retourne en cours de SVT et on fait un petit résumé de l’anatomie féminine. (Promis c’est mieux qu’au collège).

Du point de vue extérieur

  • Le gland et la tige du clitoris
  • Les petites et grandes lèvres
  • Le mĂ©at urĂ©tral
  • L’entrĂ©e du vagin
Image : Getty Image

Les secrets cachés à l’intérieur

  • Le corps et les piliers du clitoris constituĂ©s de corps caverneux
  • Les bulbes du clitoris qui entourent l’entrĂ©e du vagin
  • Les glandes vestibulaires majeures (ou glandes de Bartholin) qui sĂ©crètent la cyprine, lubrifiant faisant partie de la « mouille Â»
  • Le vagin
  • La vessie (certains chercheurs pensent que les Ă©missions fontaines ou squirt proviennent de celle-ci)
  • L’urètre
  • Les glandes para-urĂ©trale (ou glandes de Skene), Ă©galement appelĂ©es prostate fĂ©minine, qui sĂ©crètent le liquide Ă©jaculatoire, souvent imperceptible.
  • Le col de l’uterus situĂ© au fond du vagin
  • L’utĂ©rus, d’oĂą le sang des menstruations provient et oĂą l’embryon se dĂ©veloppe
  • Les ovaires
  • Les trompes de Faloppe
  • Le pĂ©rinĂ©e, ensemble de plusieurs muscles (dont on vous Ă©pargnera les noms scientifiques barbares) allant de l’os du pubis au coccyx. Il soutient la zone du bassin, des organes gĂ©nitaux et de l’anus. Ayant un rĂ´le majeure dans le plaisir sexuel, bien musclĂ©, il permet d’augmenter les sensations chez les deux partenaires.

Le trou ou le mythe de la passivité féminine

L’appareil gĂ©nital fĂ©minin n’est donc pas le nĂ©ant absolu. Or, ce mythe du trou renvoie les femmes Ă  la passivitĂ©, Ă  la nĂ©gation, Ă  l’immanence. IdĂ©e conceptualisĂ©e pour la première fois dans « Le deuxième sexe, Tome 1 – les faits et les mythes Â» (1949), ouvrage majeur de la pionnière du fĂ©minisme en France, Simone de Beauvoir. L’homme est agressif, courageux, conquĂ©rant. Il est premier, la femme est l’autre Ă  qui il manque quelque chose, elle ne prend pas, elle est prise. L’homme pĂ©nètre, la femme est pĂ©nĂ©trĂ©e.

Il s’agit néanmoins de rappeler que la femme est loin d’être passive lors d’une pénétration, elle ne fait pas que recevoir le penis de l’homme. Cette réception demande bon nombre d’actions : elle doit sécréter de la cyprine pour faciliter l’intromission du pénis, guider son partenaire, décontracter ou contracter ses muscles pelviens. On conseille d’ailleurs souvent aux femmes de rééduquer leur périnée après un accouchement. Nous sommes tout de même à milles lieues de l’idée de passivité sexuelle si chère à nos yeux.

Image : Getty Image

Et nous ne parlons même pas des moments durant lesquels c’est la femme qui bouge et ondule son bassin pour le plaisir de son partenaire et le sien, où elle apprend à contracter les muscles de son plancher pelvien pour mieux enserrer le pénis et donner ainsi d’avantage de plaisir, ou encore lorsqu’elle stimule son clitoris pour favoriser l’excitation et la lubrification. Nous pouvons également mentionner le rôle des muscles sphinctériens, qui contrôlent l’ouverture et la fermeture des orifices (ici l’anus), lors d’une sodomie.

La femme peut également jouer un rôle dans la non-pénétration. En cas de vaginisme, trouble qui toucherait entre 1 et 3% des femmes en France, les muscles du périnée se contractent involontairement, rendant difficile, voire impossible, toute tentative de pénétration qui devient alors douloureuse. Alors, il est où le trou ?

Au delà de la seule pénétration, la femme, comme l’homme, stimule son/sa partenaire avec des caresses, des mots, des doigts, une langue … elle est maîtresse de son corps et réalise une multitude d’actions rendant l’acte sexuel possible et agréable.

L’aspect psychologique entre aussi en compte, si le stress, l’appréhension ou, à l’inverse, le bien-être, l’excitation et le désir ont leur importance dans l’érection du pénis, il en va de même pour la femme, pour qui le rapport sexuel sera facilité si elle est détendue, apaisée et si, bien sûr, elle le désire.

Finalement la métaphore d’un trou à combler nous donne une vision de l’amour dans laquelle la pénétration est centrale et est finalité. Non seulement cette conception met de coté d’autres formes de rapports intimes, notamment non-hétérosexuels, mais cela réduit également les multiples possibilités érotiques qu’offrent une sexualité non – pénétrative.

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