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Par Union.fr

L’origine du monde : entre provocation, fantasmes et mystères

Par | 26 février 2021

Il s’agit sans doute d’un des tableaux les plus cĂ©lèbres et controversĂ©s de l’histoire de l’art. Un modèle restĂ© longtemps mystĂ©rieux, le paradoxe d’une oeuvre renommĂ©e mais très peu vue jusqu’a la fin du 20e siècle, une peinture presque politique. Sexe En France dĂ©crypte L’Origine du monde, l’oeuvre subversive et provocante peinte par Gustave Courbet. 

L’origine du Monde : Genèse et péripéties

Un après-midi de 1866, le diplomate Turco-Egyptien Khalil- Bey, figure emblématique du Tout-Paris, écoute la description d’un tableau de Courbet : Le Rêve, la Vénus et Psyché. Fasciné, il se rend dans l’atelier parisien du peintre, mais la toile avait déjà été vendue. Il passe alors une commande. Coubet peindra pour lui la suite de Vénus et Psyché : le Sommeil, représentant deux femmes dormant nues entrelacées … et l’Origine du monde. 

Ce diplomate est un grand collectionneur d’art, une partie de ses acquisitions sont des nus érotiques qui célèbrent le corps féminin.

Sa commande sera cachĂ©e dans ses appartements par un rideau, visible uniquement par son propriĂ©taire et son proche entourage. Après la ruine du collectioneur, le destin de la toile restera mystĂ©rieux : passĂ©e entre les mains d’un baron hongrois, elle fera partie de la collection privĂ© du psychanalyste Jaques Lacan avant d’être exposĂ©e au musĂ©e d’Orsay en 1995, oĂą le tableau pourra ĂŞtre admirĂ© par le monde entier.  

Gustave Courbet, Le Sommeil – 1866

L’origine du monde : une oeuvre pornographique ? 

Avant l’Origine du Monde, personne n’avait osĂ© dessiner, peindre mĂ©ticuleusement, exposer sans censure, l’anatomie du sexe fĂ©minin. La vulve n’avais jamais Ă©tĂ© un sujet. Car c’est bien ce sexe, vrai, dĂ©taillĂ©, rĂ©aliste dont il est question ici, il est le centre de l’oeuvre. Le regard ne peut Ă©chapper Ă  la vue de ce pubis brun. Pas de visage, pas de mise en scène, pas de bras ni de dĂ©cor de fond. Simplement des cuisses Ă©cartĂ©es, offrant le spectacle de la nuditĂ© fĂ©minine dans sa dimension la plus crue et la plus anatomique.  

L’Origine du monde nous frappe par son réalisme. Son créateur a fait preuve de toute sa virtuosité en représentant ce corps féminin dont les détails de la peau, teintée de rose et de bleu, produisent une représentation presque chirurgicale de ce sexe que l’on ne saurait voir. 

Le tableau pourrait par ailleurs s’inspirer des premiers clichĂ©s pornographiques licencieux de l’époque. Il serait reliĂ© aux pellicules du photographe Auguste Belloc, connu pour avoir capturĂ© des nus Ă©rotiques, notamment des cuisses ouvertes laissant apparaĂ®tre des sexes de femmes. Le tracĂ© minutieux de Courbet pourrait ainsi avoir Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© sur la base d’une de ces photographies. 

Auguste Belloc, Photographies obscènes pour le stĂ©rĂ©oscope – 1860

Ă€ qui appartient cet Ă©clat de chair ? 

Objet de scandale, jugĂ©e obscène, qualifiĂ©e d’oeuvre voyeuriste, L’Origine du monde ne cesse de nourrir mystères, et fantasmes. Parmi les secrets les mieux gardĂ©s de l’oeuvre – et de l’histoire de l’art-, l’identitĂ© de cette femme prenant une pose qui ne perd pas de son audace. 

Plusieurs hypothèses furent Ă©tablies : de Jeanne de Torubey (maĂ®tresse du diplomate), au modèle Irlandaise Joana Hiffernan dont la carnation correspondrait Ă  celle de la femme peinte…

Nous apprendrons finalement en 2018 que c’est Constance QuĂ©niaux, danseuse Ă  l’opĂ©ra et amante de Khalil-Bey qui pris la pose pour le peintre. C’est en Ă©tudiant la correspondance entre George Sand et Alexandre Dumas fils que Claude Schoop, docteur en lettre et biographe de l’écrivain romantique, dĂ©couvre la femme cachĂ©e derrière l’Origine du Monde. Il rĂ©sout un mystère vieux de plus de 150 ans. 

Traquant les moindres sous-entendus et allusions se glissant dans les courriers Ă©crits et Ă©changĂ©s, il relève une coquille dans une lettre de M. Dumas  :  « On ne peint pas de son pinceau le plus dĂ©licat et le plus sonore de l’interview de Mlle QuĂ©niaux de l’opĂ©ra. Â»

« Interview » n’ayant ici que peu de sens, le biographe eu une illumination, il ne s’agissait pas d’interview mais d' »intĂ©rieur », ce qui faisait rĂ©fĂ©rence au sexe de la danseuse. En rĂ©alitĂ©, le visage cachĂ©e derrière l’oeuvre aurait Ă©tĂ© un secret connu de tous et si Dumas mentionne son nom, il l’aurait fait par ressentiment Ă  l’encontre du peintre. 

L’origine du monde ou l’obscénité ?

Obscène, ou « hors scène » : qui renvoie Ă  ce qui ne devrait pas ĂŞtre vu par le grand public. C’est exactement ce dont il est question avec le rĂ©alisme dont fait preuve Courbet qui se targue de ne jamais mentir dans sa peinture, repoussant toujours davantage les limites du prĂ©sentable. L’Origine du monde expose aux yeux de tous la partie cachĂ©e de nombreuses peintures de nus, comme l’Olympia d’Edouard Manet, Les baigneuses d’Auguste Renoir ou encore La femme nue couchĂ©e après le bain d’Edgar Degas. 

Aujourd’hui encore, L’Origine du Monde nous crie sa vĂ©ritĂ© au visage. Ă€ l’ère de la sexualisation omniprĂ©sente, de la pornographie accessible et de l’érotisme facile, l’oeuvre continue de choquer, de dĂ©ranger, de nous interpeller et de nous bouleverser. 

Pas de trou, de bouton de rose, ou de fleur, mais des cuisses plantureuses, des poils noirs, des lèvres charnues, une fente ouverte et un clitoris que l’on devine. L’Origine du Monde fait du sexe fĂ©minin une vĂ©ritĂ© Ă  laquelle nous ne pouvons Ă©chapper. RĂ©gulièrement cachĂ©, longtemps invisibilisĂ©, souvent objet, le corps fĂ©minin est ici constitutif de l’oeuvre. Si l’expression «l’intime est politique» Ă©tait une image, cette oeuvre pourrait en ĂŞtre la reprĂ©sentation. 

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