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Par Union.fr

Non, les femmes ne sont pas hystériques.

Par | 1 avril 2021

Disparu des manuels de psychiatrie et retirĂ© de la liste des maladies clinique en 1952, le terme « hystĂ©rie » fait toujours parti de notre vocabulaire, aussi bien dans les sphères mĂ©diatiques que dans nos discussions privĂ©es. Loin d’ĂŞtre utilisĂ©e pour parler d’un trouble psychiatrique, l’hystĂ©rie est une arme verbale de choix pour quiconque souhaite discrĂ©diter le discours, gĂ©nĂ©ralement teintĂ© de colère, d’une femme. Les mots que nous utilisons ont un poids, une histoire, et sont parfois liĂ©s Ă  des Ă©vĂ©nements dont on ne peut se dĂ©faire. L’hystĂ©rie en fait partie et il conviendrait d’arrĂŞter de l’employer. On vous explique pourquoi.

Aux origines de l’hystĂ©rie

Il suffit déjà simplement de se pencher sur les racines étymologiques du terme « hystérie » pour se rendre compte du caractère fondamentalement sexiste de cette qualification.

C’est dans un papyrus Ă©gyptien datant de l’an 1900 av JC que nous retrouvons la plus ancienne trace Ă©crite de ce concept. Il y dĂ©crit des troubles causĂ©s par un « utĂ©rus baladeur ». Le mĂ©decin grec Hippocrate utilise le terme hystera pour dĂ©crire une maladie liĂ©e Ă  l’utĂ©rus. Celui-ci, en se dĂ©plaçant dans le corps est Ă  l’origine de divers symptĂ´mes parmi lesquels : des crises de nerfs, des phobies, l’expression d’un dĂ©sir sexuel, des spasmes, des dĂ©lires ou crise de paranoĂŻa… en bref l’hystĂ©rie est un, mot qui veut tout et surtout rien dire.

L’hystĂ©rie n’a pas une seule mais une myriade de dĂ©finitions possibles, ces dernières ayant Ă©voluĂ© au cours de l’histoire. On nous parle d’une « structure nĂ©vrotique de la personnalitĂ©, caractĂ©risĂ©e par la traduction en symptĂ´mes corporels variĂ©s de reprĂ©sentations et de sentiments inconscients » (Larousse) ou encore d’une « nĂ©vrose, aux tableaux cliniques variĂ©s, dans laquelle le conflit psychique peut s’exprimer par des symptĂ´mes physiques d’ordre fonctionnel ou psychologiques comme des crises Ă©motionnelles, Ă©ventuellement des phobies » (psychiatrie/psychanalyse). Pas sur que ça nous aide Ă  y voir plus clair.

Ă€ l’AntiquitĂ©, Platon identifie les causes et les manifestations de l’hystĂ©rie -maladie encore une fois exclusivement fĂ©minine- dans le TimĂ©e (oeuvre majeure du philosophe). L’utĂ©rus, ou la matrice, serait un animal dĂ©sirant si ardemment procrĂ©er, que lorsque ce n’est pas le cas, il parcourt tout le corps et arrĂŞte la respiration.

Au dĂ©but du Moyen- Ă‚ge, l’hystĂ©rie est moins liĂ©e au dĂ©placement de l’utĂ©rus dans le corps qu’Ă  la rĂ©tention des sĂ©crĂ©tions sexuelles et menstruelles qui se propagent dans les vaisseaux et les nerfs, Ă  l’origine des symptĂ´mes. Selon le philosophe mĂ©decin Avicienne (980-1037) , elle est ainsi causĂ©e par la continence sexuelle et serait le fait des vierges et des veuves. Ă€ la fin du Moyen Age, les femmes manifestant des symptĂ´mes hystĂ©riques Ă©taient soit considĂ©rĂ©es comme possĂ©dĂ©es par le diable et « soignĂ©e » par l’exorcisme, soit comme des sorcières. Dans ce cas, elle faisait l’objet de lynchages, de dĂ©nonciations, jugĂ©es au tribunal ou brĂ»lĂ©es sur le bĂ»cher.

Plus tard au 16e siècle, les convulsions et suffocations dont souffrent certaines femmes sont considĂ©rĂ©es comme la manifestation du dĂ©sir sexuel, donc un pĂ©chĂ©. L’hystĂ©rie est alors propre Ă  la nature fĂ©minine. Elle est expliquĂ©e par l’appĂ©tit sexuel dĂ©mesurĂ© de la femme et par l’imperfection de leur sĂ©crĂ©tions vaginales. Le mĂ©decin et anatomiste français Jaques Duboit affirme en 1559 la thĂ©orie d’une dĂ©bilitĂ© fĂ©minine. Les femmes Ă©tant soumises Ă  leur rythme biologique, dĂ©pourvues d’autonomie et de contrĂ´le, doivent se soumettre Ă  l’autoritĂ© des hommes. Les troubles hystĂ©riques servent de justification Ă  l’Ă©vincement des femmes des sphères du savoir et du pouvoir. Vous commencez Ă  comprendre pourquoi ce mot pose problème ?

Au dĂ©but du 17e siècle, Charles Le Pois est le premier Ă  rĂ©futer les causes utĂ©rines de l’hystĂ©rie, Ă  en parler comme d’une maladie aux origines cĂ©rĂ©brales et Ă  affirmer l’existence d’une hystĂ©rie masculine. En 1847, Paul Briquet dĂ©nombre quant Ă  lui un cas d’hystĂ©rie masculine pour vingt cas fĂ©minin et prĂ©tend que le trouble est le fait des prostituĂ©es et non des religieuses. Le mĂ©decin postule Ă©galement l’hĂ©rĂ©ditĂ© de l’hystĂ©rie. Enfin Jean Martin Charcot, neurologue, psychiatre, neurobiologiste et psychologue (rien que ça) renouvelle l’approche de la nĂ©vrose en dĂ©fendant une cause traumatique de l’hystĂ©rie, pouvant ĂŞtre soignĂ©e par l’hypnose.

Freud et l’hystĂ©rie

Ă€ la fin du 19e siècle, le fondateur de la psychanalyse Sigmund Freud fait de l’hystĂ©rie l’un des fondement de sa discipline. Sous l’influence de Charcot, il la dĂ©finit comme Ă©tant «  le retour Ă  l’Ă©tat psychique que le malade a vĂ©cu par le passĂ©, un souvenir traumatisant oubliĂ© qui se traduit par une quelconque angoisse », le psychanalyste soignera cette nĂ©vrose par la mĂ©thode cathartique consistant Ă  faire tomber les barrières psychologiques du patient grâce Ă  l’hypnose afin de rĂ©veiller des souvenirs traumatiques vĂ©cus pendant l’enfance, Ă  l’origine de troubles.

Cependant, la fonction sexuelle deviendra la source psychique de l’hystĂ©rie. Il recevra dans son cabinet de nombreuses femmes et en tirera 4 cas de rĂ©fĂ©rence. Sur la base de ces patientes, il affirme que l’hystĂ©rie est le produit d’un traumatisme sexuel, Ă©rotique ou amoureux. Les troubles provoquĂ©s par l’hystĂ©rie sont ainsi systĂ©matiquement liĂ©s Ă  la fonction sexuelle. Si Freud ne nie pas l’existence d’une hystĂ©rie masculine, tous les cas prĂ©sents dans son Ă©tude sont des femmes.

Aujourd’hui, l’Ă©tude de Freud sur l’hystĂ©rie semble quelque peu dĂ©suète. L’hystĂ©rie ne fait plus partie de la classification internationale des maladies. Elle y est dispersĂ©e une pluralitĂ©s de nĂ©vrose comme le trouble de conversion, le syndrome dĂ©pressif ou encore le trouble dissociatif de l’identitĂ©.

En finir avec l’hystĂ©rie

L’hystĂ©rie n’est donc pas une maladie, ni un trouble clinique. Elle n’est pas non plus une Ă©motion, un caractère ou un trait de personnalitĂ©. Les origines de l’hystĂ©rie, ses « traitements » et son Ă©tymologie en font un terme qu’on ne peut utiliser Ă  tort et Ă  travers. Complètement dĂ©connectĂ©e de son histoire, l’hystĂ©rie est aujourd’hui employĂ©e pour qualifier une femme exprimant sa colère, ne retenant pas ses Ă©motions. Il s’agirait d’arrĂŞter le très cĂ©lèbre « mais tu es complètement hystĂ©rique » qu’on utilise afin de discrĂ©diter une femme exprimant ses opinions de manière virulente. Quelque soit ses propos, que l’on soit d’accord, ou non, traiter une femme d’hystĂ©rique c’est la faire passer pour folle, c’est lui interdire le droit d’exprimer des Ă©motions.

Sources et Références :

Arce, Charlotte. « L’hystĂ©rie, la dĂ©mence…pour accabler les femmes, toutes sortes de maladies ont Ă©tĂ© inventĂ©es dans le passĂ©e ». Le Huffington Post. 4 Avril 2015. Disponible sur : https://www.huffingtonpost.fr/2015/04/04/hysterie-demence-accabler-femmes-maladies-ridicules_n_7000090.html

BrĂ©maud, Nicolas. « Panorama historique des dĂ©finitions de l’hystĂ©rie Â», L’information psychiatrique, vol. volume 91, no. 6, 2015, pp. 485-498. Disponible sur : https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2015-6-page-485.htm

Bourquin, Jimmy. « L’hystĂ©rie et Freud : quand les traumatises relevaient d’abord de la sexualité ». France Inter. 24 Septembre 2019. Disponible sur : https://www.franceinter.fr/sciences/l-hysterie-et-freud-quand-les-traumatismes-relevaient-d-abord-de-la-sexualite

Trillat, Etienne. « Promenade Ă  travers l’histoire de l’hystĂ©rie ». Histoire, Ă©conomie et sociĂ©tĂ©, 1984, 3ᵉ annĂ©e, n°4. SantĂ©, mĂ©decine et politiques de santĂ©. pp. 525-534. Disponible sur : https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1984_num_3_4_1371

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